L’avenir de la traduction
Aujourd’hui, même la plus petite entreprise peut avoir une clientèle mondiale, par conséquent le besoin de communiquer dans des langues et des cultures différentes croît rapidement. Cependant, la communication multilingue est délicate et coûteuse. Si l’on n’y prend pas garde, beaucoup de choses peuvent être perdues en traduction à cause d’erreurs de traduction et/ou d’interprétations différentes de textes même correctement traduits.
Les coûts d’erreurs de traduction sont souvent plus important que simplement financiers. Une mauvaise communication peut entraîner une perte de réputation, des problèmes légaux, des dommages physiques ou même des catastrophes industrielles. C’est pourquoi une communication claire, précise et efficace – entre les cultures, les langues, les disciplines et les industries – est une priorité croissante.
En réponse, de nombreuses entreprises consacrent des budgets importants pour assurer une communication efficace au sein de leurs réseaux d’agents, de partenaires, de clients et d’organismes gouvernementaux. Ce besoin de partager avec précision les informations entre et parmi les divers partenaires commerciaux a évolué vers ce qu’on appelle la localisation.
La localisation est définie comme les technologies et les processus qui adaptent les produits et les services pour une utilisation dans et par des pays, des régions ou des groupes spécifiques. Il s’agit souvent d’un processus très complexe et coûteux qui comprend la traduction de textes et de matériel audio, la modification de documents et de logiciels pour refléter les conventions localisées (comme la manière dont les décimales et les dates sont représentées), et l’analyse et l’incorporation continues dans les produits et services des exigences réglementaires, de conformité et fiscales de pays, d’États et de villes spécifiques.
Cet article se concentre sur une partie spécifique dans le cadre plus large de la localisation : la traduction. Dans les entreprises du monde entier, il existe une demande croissante de traductions, stimulée par : – une augmentation de la demande pour les langues autres que l’anglais, – augmentation des produits et services des pays non-anglophones qui se développent sur les marchés étrangers, – une réduction des coûts de traduction, due aux améliorations des technologies d’IA et à l’essor des plateformes de traduction sur le cloud. Cet article traite de ce nouvel avenir, dans lequel la demande et les opportunités de traduction sont en constante augmentation.
Moment décisif pour les services de traduction
Les dépenses annuelles des entreprises en matière de services de traduction devraient atteindre 40 milliards d’Euros en 2020, principalement en raison de la mondialisation croissante et de l’augmentation de la quantité de textes rédigés dans le monde.
Actuellement, comme depuis longtemps, la plupart des fournisseurs de services linguistiques travaillent avec des outils de productivité de traduction (alias TAO), qui permettent d’assurer la cohérence et de produire des volumes de contenu plus importants de manière plus efficace. De nombreux traducteurs disposent également de leurs propres mémoires de traduction (TM) pour gagner en efficacité.
Ces outils de traduction traditionnels, comme SDL Studio, évoluent tous vers des systèmes sur le cloud, permettant à plusieurs traducteurs de traduire simultanément et en utilisant la même mémoire de traduction, qui se met à jour au fur et à mesure de l’avancement de leur travail. Certains nouveaux outils, comme Memsource, ont directement été créés pour une utilisation sur le cloud.
La croissance des traductions est stimulée par les nouvelles technologies.
De nombreuses organisations utilisent l’intelligence artificielle (IA) sous forme de traduction automatique (TA) pour réduire les coûts de traduction. Les plates-formes de traduction automatique basées sur l’IA, telles que Google Translate, DeepL, Microsoft Translator ont fait un grand bond en avant en termes de précision au cours des 24 derniers mois. Ceci pour deux raisons : d’une part, elles s’appuient sur les améliorations récentes des algorithmes de traduction automatique neuronale (NMT), et d’autre part, elles ont accès à une quantité beaucoup plus importante de données linguistiques provenant des moteurs de recherche, des réseaux sociaux et des sites de commerce électronique.
Pour les cas d’utilisation par des consommateurs moins exigeants, comme la traduction d’un site Web pour un navigateur occasionnel, la précision de ces systèmes entièrement automatisés basés sur l’IA est récemment devenue » assez bonne » pour un grand nombre de cas d’utilisation. Généralement, ces traductions sont proposées gratuitement et soutenues par des annonces, de sorte que les utilisateurs sont satisfaits de la qualité obtenue, quelle qu’elle soit, et que les conséquences des erreurs sont faibles.
En revanche, la précision de ces systèmes existants n’est pas adéquate pour de nombreux cas d’utilisation commerciale, comme la création d’une interface utilisateur dans une nouvelle langue, la traduction d’un document fiscal ou la création d’un manuel d’utilisation pour un produit dans une nouvelle langue. Pourtant, l’IA peut également avoir un impact ici, dans les cas ou le traducteur effectue un brouillon de traduction à partir de la TA, qu’il revoit après, ce qui permet d’augmenter sa productivité. Cette technologie a un impact profond sur le marché de la traduction, qui se transforme sous l’effet de ces forces, pour l’instant pour certaines combinaisons linguistiques courantes uniquement, comme les traductions du français vers l’anglais ou inversement. Pour d’autres combinaisons, comme français vers finnois, l’impact est encore totalement nul, du fait de la qualité extrêmement médiocre de la TA pour ces combinaisons.
L’IA et la fin des services de traduction ?
Le nombre de langues et de paires de langues traitées aujourd’hui par les plateformes de traduction les plus avancées ne représente qu’une petite fraction des langues parlées même dans le monde développé. Mais la traduction de contenus dans des langues autres que la quarantaine de langues prises en charge par les fournisseurs de services linguistiques (LSP) et par les éditeurs de logiciels d’entreprise est, à ce jour, difficile, voire impossible à justifier : pour la plupart des entreprises, le coût et le temps nécessaires pour ajouter une seule nouvelle langue à un produit se mesurent en millions de dollars et en années.
Ces barrières sont sur le point d’être brisées par la combinaison des économies d’échelle permises par les plates-formes sur le cloud et des améliorations de la productivité des traducteurs permises par la traduction automatique.
Bien que certains de ces marchés linguistiques connaissent une croissance rapide, peu d’entre eux représenteront un revenu suffisant pour justifier le coût. Cependant, avec la baisse des coûts liée à l’économie des plates-formes et à l’efficacité de l’IA, les prestataires de traduction pourront récupérer l’investissement financier pour ajouter de nouvelles langues tout en maintenant les prix de traduction à un niveau abordable pour un ensemble de clients beaucoup plus large.
À l’avenir, le nombre de nouvelles possibilités linguistiques est considérable et représente un nouveau marché pour de nombreuses entreprises. Selon le CSA, les entreprises devront traduire le contenu dans un nombre croissant de langues « de niche » afin d’atteindre des économies de petite taille, mais à croissance rapide. Alors qu’environ 14 langues suffisent aujourd’hui pour atteindre environ 75 % des utilisateurs d’Internet dans le monde, pour atteindre les 20 % suivants, il faut en ajouter environ 40 autres. D’ici 2027, le CSA estime que les entreprises devront traduire dans plus de 60 langues pour atteindre 96% de la population en ligne.
A2MS se spécialise depuis sa création vers les langues « de niche ». Alors que pour la plupart des autres services de traduction l’anglais représente environ 50% de leur chiffre d’affaire, nos langues principales sont le russe et le polonais. Des bureaux de traductions du monde entier s’adressent à nous lorsqu’elles ont des combinaisons de langues inhabituelles pour eux, et nous développons avant les autres des ressources qualifiées vers des combinaisons nouvellement en demande, du fait de la croissance économique des pays concernés.
Alors que l’anglais reste la langue principale des affaires internationales et de l’Internet, une prévision couramment citée qui est apparue dès 2005 prévoyait que le prochain milliard d’internautes ne serait pas de langue maternelle anglaise. L’autorité mondiale en matière linguistique Ethnologue estime que l’anglais est une deuxième langue pour environ 60% de tous les anglophones. Si vous avez déjà appris une langue étrangère, vous apprécierez à quel point il est plus facile de comprendre votre langue maternelle. Cela se traduit par une communication plus efficace et une plus grande valeur commerciale pour celui qui fait la traduction.
Bien que personne ne s’attende à ce que tous les groupes linguistiques soient couverts de sitôt, de nouveaux modèles de commerce entraîneront bientôt des besoins pour certaines langues et paires de langues inhabituelles. L’initiative chinoise de construction d’une nouvelle route de la soie – routes, chemins de fer, ponts, routes de navigation, pipelines et alliances commerciales – devrait relier 70 pays d’Asie. L’anglais comme langue commune au lieu des langues locales deviendra moins viable à mesure que ces marchés s’ouvriront.
Il faut aussi tenir compte du fait qu’il existe plus de 20 langues principales en Inde, écrites dans une douzaine d’alphabets différents, et que l’on estime à plus de 720 le nombre de dialectes. Vingt-six langues régionales en Inde sont parlées par plus d’un million de personnes qui ne parlent pas l’hindi. Et bien que cela ne soit pas évident, certaines de ces langues régionales ont plus de valeur que l’hindi en termes d’alphabétisation et de statut économique des locuteurs.
Dans l’ensemble, cette combinaison de l’hégémonie décroissante de l’anglais et du développement des pays non-occidentaux dans le commerce mondial signifie qu’il y aura une demande croissante de traduction entre de nombreuses nouvelles paires de langues, et cette demande durera pendant des années.
Traductions à forte valeur ajoutée et grands volumes dans un domaine spécifique
Bien que ces possibilités de services linguistiques à long terme pour les entreprises se développent, la capacité de maîtriser des vocabulaires spécifiques à un domaine en transmettant une signification très précise est au moins aussi importante que le nombre de langues traduites. Par exemple, un document peut décrire un patient, une décision stratégique importante ou la raison d’être d’une nouvelle politique gouvernementale ou de gestion. Dans un contexte médical, par exemple, le terme « protocole » a un sens très précis qui fait référence à un ensemble d’étapes standard utilisées pour traiter une condition. Un médicament de chimiothérapie particulier peut être associé à un protocole qui stipule qu’il doit être administré à une certaine dose toutes les deux semaines. Par contre, le terme « protocole » dans un contexte de télécommunications a un sens tout à fait différent qui fait référence à la façon dont les données doivent être modifiées lorsqu’elles sont échangées entre deux entreprises de télécommunications.
En médecine, à mesure que de plus en plus de documents médicaux sont numérisés, il y aura une demande mondiale croissante de traduction rapide mais précise pour la communication médecin-patient. La disparité entre la disponibilité des spécialistes dans les pays développés et dans le monde en développement (y compris dans les camps de réfugiés) représente une lacune importante pour laquelle les systèmes de traduction automatique peuvent être particulièrement utiles.
Conclusion
Les améliorations rapides de la traduction automatique et le développement de plateformes comme Amazon Translate, Google Translate et Microsoft Translator ont réduit à presque zéro le coût de traductions qui sont assez bonnes pour de nombreuses applications grand public. C’est pourquoi de nombreux acteurs et observateurs du secteur craignent que ces mêmes tendances ne réduisent la valeur des fournisseurs de services linguistiques d’entreprise, des traducteurs indépendants et des équipes de localisation d’entreprise, ne réduisent les marges des services de traduction à des niveaux insoutenables et ne suppriment des emplois.
Cependant, le besoin continu d’expertise dans des domaines spécifiques et de très haute précision, combiné à la traduction automatique et à des modèles de plateforme, est en fait très prometteur.
Même les petites entreprises ont désormais une portée mondiale qui était auparavant réservée aux plus grandes marques. Nombre d’entre elles doivent mener des campagnes marketing globales dans plusieurs langues. Jusqu’à présent, le coût de ces campagnes a été prohibitif.
Les outils d’IA augmenteront les capacités des traducteurs professionnels plutôt que de remplacer les humains dans le haut de gamme du marché de l’entreprise, augmentant la capacité des fournisseurs à gérer un volume considérablement accru tout en répondant aux exigences strictes de la traduction hautement spécialisée dans les domaines de la santé, du droit, de l’ingénierie et d’autres secteurs techniques. La croissance restera saine dans ce segment du marché et les prix baisseront plus lentement que pour la traduction moins spécialisée.
Ces tendances, renforcées par la numérisation croissante des documents commerciaux dans le monde entier, entraîneront une nouvelle demande de la part d’entreprises jusqu’alors incapables de justifier le coût d’une traduction de qualité et des services connexes et ouvriront une longue liste d’opportunités pour fournir des services dans la langue maternelle des clients sur des marchés émergents de petite taille mais à croissance rapide.